En 2008, Martin Schwartz publie un essai, “The Importance of Stupidity in Scientific Research”, où il explique la difficulté, mais aussi l’importance, d’accepter d’être ignorant face à un problème.
En effet, que ce soit dans les études ou, plus tard, dans le monde professionnel, la plupart des gens se positionnent comme des “sachants” et se mettent en avant (se “vendent”) comme tels. Il est humain d’aimer se considérer comme une personne qui a des solutions à un problème et qui peut aider les autres à les résoudre. C’est extrêmement rassurant et, surtout, gratifiant.
En recherche scientifique, par définition, on se place toujours dans une situation d’inconfort, où l’on cherche à résoudre un problème qui n’a pas (encore) de solution ou de réponse. Comme le raconte Schwartz, cette situation peut être extrêmement inconfortable pour certains, même les plus brillants, mais c’est néanmoins ce qui motive le chercheur à avancer. Après tout, résoudre des problèmes qui ont déjà une solution, n’est-ce pas un peu trop “facile” ? Après tout, l’homme, au cours de son évolution, pour survivre, pour s’adapter à son environnement, n’a-t-il pas été amené à résoudre des problèmes dont personne n’avait encore la solution ?
Je crois que beaucoup d’entre nous ont perdu leur âme de chercheur. Pire, je crois que beaucoup d’entre nous n’ont jamais su qu’ils avaient une âme de chercheur, car le système éducatif et le monde professionnel cherchent à donner constamment l’impression que tout est sous contrôle. Il suffirait d’ouvrir le bon manuel à la bonne page, de trouver la bonne solution technique, ou d’appeler le bon expert, et tout serait réglé !
Ça reste entre nous, mais je pense que nous sommes plus que jamais à l’aube d’une époque où il va falloir faire appel à nos âmes de chercheurs. Que ce soit pour le climat, pour l’environnement, mais aussi pour les modèles économiques et sociaux, nous nageons dans le flou le plus total, voire dans l’inconnu.
Il faut que nous acceptions collectivement d’être ignorants (et stupides, comme le dit Schwartz) et que nous redevenions collectivement des chercheurs. Cette démarche nous permettra de retrouver une humilité personnelle face à l’inconnu, mais aussi une tolérance collective envers les autres, que beaucoup ont perdue.
L’âme de chercheur, ce n’est pas de dire si telle assertion est vraie ou fausse de manière binaire, mais de comprendre en profondeur ce qui est vrai, faux, ou non décidable dans l’état actuel des connaissances, dans les ramifications de problèmes et de sous-problèmes que pose cette assertion.
Retrouvons notre âme de chercheur !